IDENTITE ET CHANGEMENT

 

A première vue, identité et changement s’opposent et s’excluent mutuellement. Cultiver son identité serait par nature incompatible avec l’ouverture au changement.

La question n’est pas nouvelle et nous nous garderons de prétendre en débattre dans sa généralité mais elle ne peut pas être esquivée dans toute réflexion actuelle sur la modernité et la mondialisation. Jusqu’à ces derniers mois elle n’interpellait qu’à la marge les acteurs économiques mais la crise présente, culturelle dans son principe, change la donne et en fait désormais une question clef pour l’entreprise et son management. Bien plus, on peut espérer que la solution de cette contradiction dans l’entreprise apporte sa pierre à la fondation d’un nouvel ordre économique et social.

En effet, du fait de la crise en cours, la compétition que se livrent les entreprises à l’échelle mondiale pour leur survie, se joue désormais sur leur capacité à répondre à des attentes individuelles et collectives d’une diversité qu’elles n’ont jamais connue et qui déborde très largement la question traditionnelle de l’utilité immédiate du produit ou du service rendu rapportée à son prix.

Sont désormais pris en compte, dans cette évaluation, les horizons du moyen terme et du long terme, les effets collatéraux sur l’environnement naturel, économique, social, voire, plus fondamentalement, la capacité de l’entreprise à entendre la quête de sens des individus que les réponses institutionnelles existantes laissent insatisfaits.

A l’aune de ce questionnement, peu de certitudes « établies », de réponses toutes faites résistent et la question de la « légitimité » devient systématique et permanente : le champ du management d’entreprise n’y échappe pas ; même la survie de l’entreprise en elle-même n’apparaît plus comme une justification suffisante aux efforts ou aux sacrifices demandés.

La tentation est alors grande y compris pour l’entreprise de chercher la solution exclusivement dans un retour, voire un repli, sur soi, comme si toute autre préoccupation devait représenter une perte de temps et d’énergie : on ne parle plus alors que de « recentrage » stratégique, de réorganisation interne et de restructuration, de gains de productivité,  …

Il n’est pas question de nier la nécessité d’une telle cure, condition sine qua non de la survie immédiate, mais cette cure ne prend sens que si elle s’accompagne de la proposition d’un nouveau projet.

Or il ne peut y avoir de projet porteur d’avenir qui ne soit pas ouvert, disponible à l’innovation et porteur de libertés car l’unidimensionnalité ne tarde pas à menacer la créativité des collaborateurs en les soumettant dans leur vie quotidienne à une tension épuisante, étouffant l’écoute des changements à l ‘œuvre dans la société et sacrifiant enthousiasme et adhésion.

Il ne peut y avoir non plus de projet légitimant pour l’entreprise en interne comme à l’extérieur qu’inscrit dans son contexte économique, géographique, social, culturel, et politique. L’entreprise ne peut espérer être comprise, et soutenue dans ses exigences, par son environnement, par le territoire avec lequel elle interagit quotidiennement que si elle partage les préoccupations des hommes et des collectivités qui l’entourent.

Ainsi, dans les moments difficiles plus encore que dans les périodes de succès, l’entreprise doit reconnaître l’impact de ses propres décisions sur la vie des territoires où elle est implantée et apporter sa pierre aux choix de développement par où passe leur avenir.

Un autre défi attend l’entreprise sur ce chemin.

Pour poursuivre son développement, il lui faut accompagner les changements du marché, évoluer avec les mœurs, aller au-devant des attentes toujours difficiles à percevoir de contrées éloignées, en un mot changer et changer vite. 

Mais en même temps, pour justifier son existence, démontrer son caractère irremplaçable, il lui faut se démarquer par la mise en évidence de savoir faire originaux, s’identifier à un univers imaginaire, proposer une vision, cultiver l’adhésion du consommateur par l’affichage de valeurs propres,  constitutives de sa culture et de son identité.

 Jusques et y compris dans sa façon de conduire le changement.

C’est à cette condition que dans les moments de crise et de doute notamment, l’action d’entreprendre peut obtenir d’être reconnue comme un levain puissant de vitalité et de sens, au cœur de la société.